La CAULERPA TAXIFOLIA:
Comment en tirer parti ?

La Caulerpa taxifolia, un envahisseur très destructeur.

       Comme nous venons de le voir, la Caulerpa taxifolia est une espèce très envahissante et il est extrêmement difficile de s'en débarrasser. Pour y arriver, il est essentiel de posséder une stratégie minutieusement élaborée et réalisée avec un grand respect des consignes, afin de ne laisser aucune chance à la plante de coloniser les sites encore vierges ainsi que ceux déjà nettoyés. Cela signifie de fréquents retours sur les lieux dans le but d'éliminer toute repousse possible, une vigilance constante pour découvrir le plus rapidement possible les nouvelles tâches de Caulerpa taxifolia à traiter et enfin une bonne organisation afin d'éradiquer tout de suite toute nouvelle repousse ou colonie.

Cas du Parc National de Port-Cros

       C'est ce qu’a fait le Parc National de Port-Cros (PNPC). Dans ce parc, grâce à la collaboration du personnel avec les clubs de plongée et les scientifiques, environ 120 ha de zones de mouillage sont prospectées activement chaque année et certaines zones infectées sont traitées. Mais, en un total de treize années, ce sont seulement 60 m² qui ont été éradiqués, pour environ 2 000 ha de surface colonisée par la Caulerpa taxifolia qui ont été découverts. C'est pourquoi une stratégie a été élaborée dans le but de, bien entendu, éradiquer les peuplements de cette algue, mais aussi de sensibiliser les populations aux dangers que représente cette algue pour les fonds marins et pour l'environnement, afin d'éviter au maximum toute réintroduction et dissémination accidentelle par l'Homme.

photo de Port-Cros

       Port-Cros est un parc national français qui s'étend sur les îles de Port-Cros et de Bagaud et sur les îlots de la Gabinière et du Rascas, en Méditerranée. L'île fut donnée à l'État contre la promesse d'en faire un parc national, réserve de la faune et de la flore, elle fait partie de l'archipel des îles d'Hyères (ou îles d'Or). Les sources de l'île expliquent la richesse de sa végétation. Il a été créé le 14 décembre 1963 et est le seul dont l'État est entièrement propriétaire.

Cette stratégie

       Nous allons vous présenter dans le détail cette stratégie, qui est composé de plusieurs points, mais tout d'abord, voici les grands buts octroyés à chacun de ces points :
          - Fiche n°1: Sensibilisation du grand public afin de promouvoir les appels à la signalisation;
          - Fiche n°2: Action en commun avec les usagers;
          - Fiche n°3: Organisation des mouillages forains;
          - Fiche n°4: Prospection des fonds marins;
          - Fiche n°5: Modélisation de l'évolution;
          - Fiche n°6: Intervention sur le terrain;
          - Fiche n°7: Veille biologique et technologique;
          - Fiche n°8: Rôle du parc de Port-Cros dans son environnement local et international.

Fiche 1: Sensibilisation du public

       En informant la population afin de la sensibiliser à la présence d'espèces envahissantes dans nos régions, le personnel du parc espère diminuer les risques de nouvelles contaminations par les usagers de la mer dans les années à venir, ainsi que stimuler le reflex de ces mêmes usagers à signaler automatiquement la présence de zones contaminées, en précisant si possible les coordonnées du lieu afin d'avoir la possibilité d'agir rapidement et donc plus efficacement. Il y a deux messages principaux qui sont passés aux usagés, le premier leur demande de signaler systématiquement toute présence de Caulerpa taxifolia, et le deuxième leur indique de surtout éviter au maximum de la disséminer.
       Cette stratégie se révèle peu coûteuse, car il suffit de distribuer des dépliants dans les lieux publics, dans les municipalités, tous les lieux ayant un rapport avec la mer, lors des visites des zones de mouillage, dès l'arrivé des plaisanciers dans le port, de leur rappeler les méthodes d'ancrages, de leur signaler aussi que se sont eux-mêmes qui financent toutes les campagnes d'éradications, etc... En tout, ce sont environ 50 000 dépliants qui sont distribués annuellement dans la région PACA.

Fiche 2: Action en commun avec les usagers

       Le parc de Port-Cros espère aussi réduire les risques de contamination par les usagers en réglementant les sites de forte colonisation et en s'informant du bon respect de la fiche précédente dans les municipalités. Il faut aussi pérenniser les actions de prévention au niveau de la Charte de la pêche professionnelle ainsi que de la Charte de la plongée sous-marine dans les eaux du parc de Port-Cros, et obliger les pêcheurs professionnels à se munir de filets spécialisés, c'est à dire qu'ils ne serviront que dans les limites du parc, car c'est une des principales raisons de dissémination de l’algue sur de longues distances (sur de courtes distances, un des principaux facteurs de dissémination étant le transport des boutures par l'intermédiaire des courants). Ce dernier point sera évidemment aidé financièrement par le parc.

Fiche 3: Organisation du mouillage

       Ici, c’est la mise en place de structures d’amarrage dans les zones déjà colonisées qui fait espérer le personnel du parc à une diminution de la contamination de l’algue dans les zones de mouillage. En effet, avec l’utilisation des filets de pêche, le mouillage forain et un autre des principaux facteurs de dissémination, et cela serait évité grâce à ces structures d’amarrage qui permettraient d’éviter l’ancrage et donc le transport accidentel de la plante.

Fiche 4: Prospection des fonds

       C’est par la recherche des zones contaminées que l’on pourra faire quelque chose rapidement et efficacement dans la lutte contre l’envahissement de la Caulerpa taxifolia, c’est pourquoi le parc de Port-Cros a mis en avant ce point dans cette quatrième fiche afin de localiser, de dimensionner et de planifier les campagnes de contrôle de ces peuplements. Cette méthode, étant déjà utilisée annuellement depuis 1992 dans les zones de mouillage autorisées (d’environ 120 ha), a permis de découvrir plusieurs taches qui auraient pu donner plusieurs hectares de plus si elles n’avaient pas été éradiquées dans les plus brefs délais. Cette technique peut être renforcée par l’utilisation de nouveaux moyens tel que des caméras sous-marines (ROV) afin de prospecter les zones qui sont impossible à couvrir par les plongeurs et qui présentent des signes de présence de la Caulerpa taxifolia.
       Pour cela, il faut que les plongeurs ainsi que les clubs de plongée signataire de la charte de plongée du PNPC soient mobilisés régulièrement pour des campagnes de prospections, avec si possible l’utilisation de ROV. Ces campagnes sont organisées pendant les périodes où la Caulerpa taxifolia est très visible et où les peuplements de Posidonia oceanica possèdent des feuilles plus courtes, période se trouvant pendant les mois un peu avant l’hiver. Par ailleurs, cette période se révèle très pratique car elle précède la période optimale aux opérations de contrôle, ce qui permet une éradication peu de temps après la localisation.
       Pour la prospection des fonds marins, les plongeurs se positionnent à environ 5 m les uns des autres, le long d’une ou deux cordelette(s) de 50 m de longueur et à laquelle ils se tiennent, et avance à 3 ou 4 m du fond afin d’avoir un champ de vision de 5 m de large, et avoir ainsi une bonne concentration sur la parcelle dont ils s’occupent. Dès qu’un des plongeurs repère une présence de Caulerpa taxifolia, il transmet les coordonnées grâce à une bouée grenade, au bateau se trouvant à la surface, qui note le point sur un GPS, ce qui permettra un retour sur les lieux en ce point précis. 3 autres plongeurs avancent à la surface et suivent un trajet défini à l’avance, pour guider ceux se trouvant au fond.

Fiche 5: Modélisation des évolutions

       Grâce à l’informatique et aux différents moyens de programmation, nous sommes arrivés à créer des modèles de simulations, comme SimCT, permettant de prévoir les futures évolutions de la colonisation de la Caulerpa taxifolia ainsi que les effets de certaines techniques d’éradication, comme la lutte biologique. Pour le futur, il est nécessaire de réaliser d’autres simulations afin de prévoir toutes les possibilités. Ce modèle peut aussi être adapté pour servir à la prévention d’expansion d’autres espèces comme la Caulerpa racemosa.

Fiche 6: Intervention sur terrain

       Cette fiche fut faite dans le but de contrôler la colonisation des différentes espèces envahissantes grâce à des méthodes concrètes. Il existe plusieurs façons d’éradiquer la Caulerpa taxifolia, ces méthodes vous seront présentées dans le chapitre suivant[*], mais seules deux d’entres elles sont utilisées en routine par le parc de Port-Cros dans les campagnes d’éradication : l’arrachage manuel et le recouvrement par couvertures au cuivre. Actuellement, les techniques d’éradication ne sont applicables que jusqu’aux profondeurs où les plongeurs peuvent travailler suffisamment longtemps, avec des durées, de quelques heures seulement, fixées pour des raisons de sécurités en milieu hyperbare[*].
       C’est seulement après la localisation, le balisage, et la cartographie des zones à traitées, réalisé à l’aide d’un GPS, que l’arrachage ou toutes autres méthode de contrôle doit être effectuées. En effet, il faut une préparation rigoureuse pour pouvoir exterminer le plus de Caulerpa taxifolia possible en un minimum de temps, car les plongeurs, pour des raisons de sécurité, ne doivent pas rester plus de quelques heures en immersion.

Fiche 7: Veille biologique et technologique

       L’idée serait de réussir à créer un site internet afin de mettre en commun toutes les informations connues (sur toutes les espèces envahissantes de méditerranée), avec la participation de tous les centres du pourtour de la méditerranée. Ceci permettrait de partager l’expérience de chacun, les avancées technologiques dans les techniques de contrôle, ainsi que de diffuser les aides financières possibles pour l’organisation de campagnes de contrôle, tout cela pour faciliter la mise en place de campagnes d’éradications. Ceci a déjà été réalisé aux Etats-Unis (http://www.invasivespecies.gov) ainsi qu’en Australie (http://www.crimp.marine.csiro.au/nimpis).
       Une telle action avait été demandée lors du IVth International Workshop on Caulerpa taxifolia en 1999 à Lerici par les participants, qui aurait été appelé le Mediterranean Network on Invasive Species (ou MNIS), mais cela n’a pas eu de suite.

Fiche 8: Rôle du parc de Port-Cros

       Plusieurs pays ont déjà réglementé les espèces envahissantes, ce qui n’est pas le cas de la France. En effet, elle ne possède aucun texte à ce sujet, ce qui n’empêche pas le parc national de Port-Cros de faire parti (depuis 1991) des organismes méditerranéens les plus impliqués dans la lutte contre les espèces envahissantes. Il joue un rôle très important au niveau national ainsi qu’internationale, grâce à sa reconnaissance dans le monde scientifique acquis avec l’aide de ses travaux de conservation et sa gestion de son Aire Marine Protégée (ou AMP).
       Pour lutter contres ces espèces envahissantes, le parc insiste sur le fait de communiquer avec les usagers de la mer au niveau internationale méditerranéen sur les risques qu’elles représentent, ainsi que de débattre avec la préfecture de Toulon pour une politique de prévention des nouvelles espèces envahissantes sur le domaine public méditerranéen.


       Bien évidemment, ces stratégies sont applicables à toutes les espèces envahissantes déjà présentes en mer, mais peuvent et devraient servir aussi à éviter l'introduction de nouvelles espèces non-indigènes qui envahiraient, elles aussi, la mer méditerranée, ainsi que toutes les mers et océans du monde.

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 Partie de Sylvain PICHOT: Cas de Port-Cros 

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 TPE réalisé par Farah YOUSFI, Nicolas VINCENT et Sylvain PICHOT, 1èreS au lycée agricole de Valabre ! en 2007/2008
 © Auteur du site: Sylvain Pichot 


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