La CAULERPA TAXIFOLIA:
Comment en tirer parti ?

Les différents moyens d'éradications de la Caulerpa taxifolia

       Il existe plusieurs moyens pour éradiquer la Caulerpa taxifolia. Qu'ils soient mécaniques, chimiques, ou encore biologique, nous ne connaissons pas encore de solution "miracle", et toutes ces techniques sont plus ou moins efficaces, coûteuses et difficiles à mettre en place les unes par rapport aux autres. A l’exception de la lutte biologique, elles font toutes appel à la plongée sous-marine.
       Nous allons vous les présenter en commençant par celles de nature mécanique, puis celles de nature chimique, et enfin celle de nature biologique.

Techniques de nature mécanique

L'arrachage manuel

arrachage manuel de la Caulerpa taxifolia

© Photographie A. Rosenfeld, Photocéan
La balise jaune que l'on voit sert à représenter la zone d'intervention pour les futurs suivis

       L'arrachage manuel, aussi appelé micro-arrachage contrôlé, consiste à extraire manuellement la Caulerpa taxifolia du substrat où elle est située, action réalisée par des plongeurs professionnels. Cette technique se révèle extrêmement délicate en raison de sa faculté à reconstituer une nouvelle colonie à partir d'une simple bouture. Il s'agit donc de réaliser un arrachage de l'intégralité de la plante, c'est à dire de l'ensemble des fragments, des stolons, et des rhizoïdes se trouvant dans le sédiment, sans laisser la moindre partie de l'algue.
       Cette méthode est très efficace quand elle est réalisée méticuleusement par des mains humaines. Cependant elle possède aussi un grand inconvénient, c'est qu'elle demande beaucoup de temps (en moyenne 1 à 3 m² de parcelle de Caulerpa taxifolia arraché par heure et par plongeurs) pour de petites surfaces nettoyées.
       Cette technique permet donc surtout de ralentir une colonisation si elle est effectuée à son début, quand les surfaces sont encore raisonnables (pour environ 100 m²). En général, une colonie devient critique après deux ans et demi de colonisation.

arrachage manuel de la Caulerpa taxifolia

       Aussi, même si elle nécessite de toutes façons un retour sur les lieux pour enlever toutes repousses possibles, cette méthode doit être différemment appliquée selon la nature du substrat :
          - Sur un substrat meuble, le plongeur doit obligatoirement enlever toutes traces de Caulerpa taxifolia sur une dizaine de centimètres afin d'être totalement sur d'avoir enlevé l'ensemble des parties enfouies.
          - Sur un substrat présentant de nombreuses infractuosités, il n'y a pas de conditions spéciales mais le résultat de l'opération n'est pas garanti. Cependant, si ce substrat est dur, la manipulation peut être facilitée par l'utilisation d'un marteau et d'un burin.

La suceuse hydraulique sous-marine

       L'utilisation de la suceuse hydraulique sous-marine consiste là aussi à arracher la Caulerpa taxifolia de son substrat, mais cette fois, grâce à une machine industrielle. De cette façon, cela nous permet de gagner beaucoup de temps (avec une moyenne de 14 à 37 m² par heure), seulement, cette méthode est moins efficace que celle réalisée à la main puisqu'elle laisse une partie plus importante de fragments de l'algue sur place et en disséminerait peut-être encore aux alentours de la zone traitée. Elle possède encore un inconvénient non négligeable, c'est qu'il faut se procurer un équipement spécial qui est assez encombrant vu qu'il comprend une pompe (ou suceuse hydraulique) ainsi qu'un groupe électrogène pour son alimentation et enfin des conteneurs pour le stockage de la Caulerpa taxifolia avec son substrat.
       Cette technique n'est donc efficace que sur des substrats meubles (comme la vase) et elle entre plutôt dans des stratégies de ralentissement que d'extermination. Cependant elle peut aussi entrer en complément avec l'arrachage manuel pour évacuer les débris vers les conteneurs plus rapidement.

La mise en place de bâches opaques

mise en place d'une bâche opaque

® Photographie V. Gravez

       La méthode de recouvrement des peuplements de Caulerpa taxifolia par des bâches consiste à maintenir des films PVC opaques sur le fond au-dessus de colonies pour les priver de lumière, ce qui les fera mourir, car elles auront l'impossibilité de réaliser la photosynthèse, et donc de produire l'énergie nécessaire à leur survie.
       L'installation des bâches est assez aisée pour les plongeurs. Elles sont posées au fond des mers au début de l'hiver et restent là pendant environ 3 mois. Pour cela, elles sont lestées et fixées. Ceci est le travail le plus important car il ne faut pas qu'elles soient emportées par les tempêtes hivernales, c'est pourquoi elles ne peuvent être utilisées que dans des zones que peu agitées.
       Cette technique est beaucoup plus rapide (environ 15 m²/heure) que l'arrachage manuel, et extrêmement efficace car aucune repousse n'a été observée dans la baie de Stari Grad en Croatie, premier lieu où elle fut expérimentée. Aucun effet non plus n'a été observé sur les herbiers à Posidonia oceanica recouverts eux aussi par ces bâches en même temps que les peuplements de Caulerpa taxifolia.

Techniques de nature chimique

L'épandage de chlore

       La méthode initiale d'épandage de chlore consistait à réaliser le bâchage des peuplements, et d'injecter une solution de chlore directement sous la bâche. C'est la concentration qui a ensuite été modifiée. Nous sommes passés d'une solution injectée avec une concentration de 5% de chlore à un apport de tablettes de chlore brutes (avec une densité de 108 tablettes de 2,5 cm de diamètre par m²). Toutefois, cette méthode doit être appliquée dans des zones avec peu d'agitation.
       Elle a très bien fonctionné en Californie, là où elle a été appliquée pour la première fois. Après les quelques 8 campagnes de suivis réalisées par la suite, aucune repousse n'a pu être observée (cf. tableau ci-dessous), la Caulerpa taxifolia est donc aujourd'hui considérée comme éradiquée dans le lagon d'Agua Hedondia.

étude de l'évolution du peuplement de Caulerpa taxifolia après une campagne d'épandage de chlore

données Merkel & Associates pour le SCCAT
mis à jour avec les données de California Coastal Coalition, avril 2003

L'épandage de sel

sacs de sel pour l'éradication de la Caulerpa taxifolia

© Photographie V. Gravez

       Cette méthode a été développée par la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est, et en hypothèse, elle consisterait à augmenter la concentration de l'eau en sel dans le milieu environnant la colonie à exterminer, pour créer des phénomènes d'osmose[*], ce qui induirait une plasmolyse[*] qui viderait l'algue coenocytique de son eau. Cette hypothèse serait vérifier durant les tests réalisés en laboratoire et in situ, avec des concentrations supérieures à 20 kg/m², et aurait des effets de disparition au moins partielle de la Caulerpa taxifolia sur les zones où elle a été appliquée ainsi qu'un lessivage des sédiments meubles piégés par les frondes et les stolons.
       Elle se révèle toutefois inefficace si la zone traitée est couverte par une bâche et possède aussi des risques de dissémination si seule la base des peuplements est impactée.

plongeurs répandant du sel afin d'éradiquer une colonie

L'usage de l'ion cuivrique

       L'ion cuivrique (Cu2+) est utilisé pour ses propriétés algicides[*] qui produisent, à faible concentration, des effets très rapides sur la photosynthèse ainsi qu'une action de plus faible importance sur la respiration. Il a été montré par des chercheurs du LMPM qu'un seul gramme de cet ion suffit pour exterminer 10 kg de la Caulerpa taxifolia (en masse humide), elle y est donc extrêmement sensible.
       Avec le pH de l'eau de mer, moins de 1% de la quantité totale de cuivre se trouverait sous la forme Cu2+, seule composante toxique pour l'environnement de cette espèce chimique. Des complexes stables sont créés avec lui du fait de la grande présence de ligans dans le milieu marin, diminuant de ce fait la biodisponibilité et donc la toxicité de cette espèce chimique dans ce milieu. Les actions menées en conditions réelles pour l'éradication de la Caulerpa taxifolia avec cet agent n'impliquent donc qu'un léger enrichissement très localisé du milieu en cuivre.

       Plusieurs méthodes ont été développées basées sur l'utilisation du cuivre. Aucune d'elles cependant ne permet une éradication totale dès la première campagne, plusieurs suivis sont donc nécessaires par la suite.

Couvertures de cuivre

mise en place d'une couverture enduite de cuivre

© Photographie A. Rosenfeld, Photocéan

       Cette méthode consiste à poser une couverture de polymère d'environ 2 m² (facilement découpables en parties plus petites) constituée d'une face en textile diffuseur, en saturation d'une solution de sulfate de cuivre, qui diffuse cette dernière au contact du peuplement à exterminer, ce qui les décharge entièrement. Afin de permettre une utilisation en roulement de ces couvertures par les intervenants, un système de recharge autonome à été développé.
       Elles sont très avantageuses car elles permettent une utilisation sur une grande partie des substrats, même ceux possédant une forte déclinivité, et elles sont facilement transportables par les plongeurs, c'est pourquoi elles sont maintenant utilisées en routine dans certaines zones comme le parc de Port-Cros ou celui de la Maddalena (Sardaigne).

Les Cuves Electrolytiques Virtuelles (CEV)

CEV multi 20, modèle autopropulsé

® Document B. Jaffrenou, TechnEau

       Cette technique consiste à utiliser une Cuve Electrolytique Virtuelle (appelée aussi CEV) constituée d'enceintes elles-mêmes composées d'électrodes (anode et cathode en cuivre). Mise sous tension, cette machine est capable de créer un bain électrolytique traversé par des ions Cu2+ à l'intérieur des enceintes, ce qui permet de confiner les colonies traitées. De cette manière, le CEV (version CEV 50EP) est capable de tuer une surface de 0.4 m² en seulement 2 minutes (ce qui fait une moyenne de 12 m²/H)
       Actuellement, il existe deux sortes de CEV:
          - Le CEV 50EP qui permet une action en continu mais qui nécessite un matériel de surface (des ombilicaux le reliant aux générateurs électriques).
          - Le CEV multi 20 (cf photographie ci-dessus) qui, lui, est totalement autonome et autopropulsé, et qui est plus adapté aux colonies de petites tailles.
       Cette méthode, développé par la Sarl BiotechnEau, n'est possible que sur des substrat plats et a déjà été utilisée dans le parc de Port-Cros pour le contrôle de la Caulerpa racemosa, la " cousine " de la Caulerpa taxifolia.

schématisation de l'utilisation des CEV

       

peuplement  de Caulerpa taxifolia après un traitement avec un CEV
le site ayant retrouvé son ancien visage après ce même traitement

Diffusion de sulfate de cuivre en solution

un peuplement de Caulerpa taxifolia en cour de traitement
le même peuplement après le traitement

       Ce mode opératoire consiste à injecter, directement sur les peuplements à traiter de Caulerpa taxifolia, une solution de sulfate de cuivre préparé antérieurement sur le bateau. Afin d'augmenter la densité de cette solution et qu'elle soit maintenue plus aisément au fond, elle est mélangée à du chlorure de sodium. Elle est également colorée pour pouvoir suivre plus facilement la diffusion de cet algicide à travers les différents peuplements. Son confinement peut être amélioré grâce à des systèmes de cloches spécialement développés en raison de sa sensibilité aux conditions hydrodynamiques. Cette technique impose un substrat plat et subhorizontal ainsi qu'un milieu peu agité, et peut être utilisée dans des herbiers de phanérogames. Le temps nécessaire à son action a été estimé entre une demi-heure et une heure.
       Une équipe de deux plongeurs armés de systèmes de flexibles pour l'injection du produit, et une personne restant sur l'embarcation suffisent au traitement d'une surface de 40 m² par heure.

Technique de nature biologique

       Il existe un autre type de moyen pour éradiquer une espèce envahissante, c'est la lutte biologique, qui consiste à introduire des espèces non-indigènes qui seraient capables soit de diminuer la population de l'espèce ciblée, soit au mieux d'aider à ralentir sa colonisation.
       Cependant, ces espèces non-indigènes doivent être intensément étudiées afin que leur introduction dans le milieu où se trouve l'espèce ciblée ne comporte aucun risque, et ce principalement sur quatre points:
          - La possibilité de la modification de leur régime alimentaire avec une nouvelle préférence envers une autre espèce que celle ciblée;
          - La possibilité de concurrence avec une ou plusieurs autre(s) espèce(s) indigène(s);
          - La possibilité de l'introduction d'un agent pathogène;
          - La possibilité de dissémination de cette espèce.

       La Caulerpa taxifolia est très peu consommée par les espèces indigènes dans la méditerranée et les seules qui le font, même occasionnellement, ne suffisent pas à limiter son expansion et présentent aussi un risque de dissémination de l'algue, c'est pourquoi d'autres espèces ont été cherchées dans le reste du globe.
       C'est dans les mers tropicales que furent découverts deux mollusques Ascoglosses consommant exclusivement cette algue, Oxynoe azuropunctata et Elysia subornata. C'est Elysia subornata qui a été identifié comme le plus gros consommateur de Caulerpa taxifolia des deux, ainsi que le plus rapide à créer une population dense et localisée.

Le mollusque Elysia subornata

individu Elysia subornata

       D'après les analyses et les expérimentations réalisées sur les risques présentés par l'introduction de ce mollusque en méditerranée, la seule espèce qu'il pourrait consommer, en dehors de la Caulerpa taxifolia et la Caulerpa racemosa, serait la Caulerpa prolifera qui est indigène en méditerranéenne. Comme la lutte biologique n'est pas destinée à la destruction totale des peuplements de Caulerpa taxifolia, la compétition entre ce mollusque et une autre espèce de mollusque Ascoglosses, elle aussi consommatrice de Caulerpa, n'est pas à craindre. Aussi, grâce à la culture de Elysia subornata en milieu axénique à partir de pontes (conditions respectées pour les études actuellement en cours), les risques d'introduction de pathogènes sont fortement réduits. Enfin, les larves de cette espèce ne se déplaçant que localement et présentant une vie benthique[*], les risques de dissémination sont assez faibles.

individu Elysia subornata

® Photographie A. Meinesz

       Pour l'utilisation de cette méthode biologique, il faut que la prédation du mollusque Elysia subornata sur les peuplements de Caulerpa taxifolia soit prouvée comme étant suffisante pour le ralentissement de la colonisation de cette dernière et même une possible réduction de ses peuplements. Ceci est chose faite grâce au modèle de simulation informatique appelé ELYSIA.
       C'est pourtant pour des raisons d'autorisations préalables et de l'obligation de faire des expertises ultérieures (mésocosme) à l'introduction, que la lutte biologique est extrêmement difficile à mettre en place. C'est pourquoi une expertise internationale à été demandé à ce sujet afin d'évaluer les avantages et inconvénients d'une possible introduction d'agents destinés au contrôle de la Caulerpa taxifolia, expertise encore en attente à ce jour sous prétexte qu'elle est considérée comme non-nécessaire.

Autres méthodes

       Plusieures méthodes, comme le chalumeau, le faucardage, le carboglace, l'utilisation des ultrasons, ou encore la dénaturation par eau chaude, ont été étudiées est testées en laboratoire ou in situ.Cependant, elles ont finalement été abandonnées pour des raisons diverses.

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 Partie de Sylvain PICHOT: Moyen d'éradication 

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 TPE réalisé par Farah YOUSFI, Nicolas VINCENT et Sylvain PICHOT, 1èreS au lycée agricole de Valabre ! en 2007/2008
 © Auteur du site: Sylvain Pichot 


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