La CAULERPA TAXIFOLIA:
Comment en tirer parti ?

Un potentiel ignoré :

       Afin de se protéger des agressions de son environnement, la Caulerpa taxifolia libère dans le milieu aquatique des substances chimiques. Au total, on ne compte pas moins de neuf toxines dont la caulerpényne, espèce majoritaire isolée en 1992. Elle représente 0.1% à 13% du poids sec de l’algue alors que l’ensemble des autres métabolites représente seulement 0.004% du poids sec. L’espoir est de trouver un usage aux toxines si décriées de la Caulerpa taxifolia pour permettre une commercialisation de l’algue « arrachée ».

Une toxine peu toxique :

       De nombreuses expériences in vitro ont mis en évidence la sensibilité de plusieurs espèces de végétaux et d’animaux à la caulerpényne.
       La croissance de certaines micro-algues est inhibée en présence de toxines, de même, certains macrophytes voient leur accroissement ralentir.

       En laboratoire, on a constaté chez les oursins une consommation de l’algue invasive quasi nulle en été-automne pour être plus importante en hiver-printemps, période pendant laquelle le taux de toxine est le plus bas. Cependant, pour une courte période, la Caulerpa taxifolia peut devenir leur source d’alimentation essentielle. Mais cette nutrition s’effectue au prix de malformations physiologiques importantes comme une perte de piquants, une incapacité à atteindre la maturité sexuelle... Un tel constat peut accréditer la thèse de la dangerosité de la Caulerpa taxifolia, mais ne permet pas de déterminer la toxine responsable.

       La caulerpényne possède, par ailleurs, un effet antimitotique sur les œufs d’oursins, c’est-à-dire que le développement de l’embryon ne s’effectue pas : la cellule-œuf ne se segmente pas. Cependant la caulerpényne utilisée lors de tous ces tests était purifiée et les doses importantes, ne correspondaient en aucune façon aux concentrations des zones colonisées. Ces dernières n’ont, à ce jour, pas pu être mesurées in situ du fait de leur très faible quantité. Par ailleurs, une fois libérées dans l’eau, ces toxines sont rapidement fixées par les particules planctoniques. Il apparaît donc que le développement des œufs d’oursins comme ceux des poissons, n'est pas affecté in situ par les toxines de la Caulerpa taxifolia. De même, l’effondrement des effectifs d’oursins ne peut être attribué aux effets in situ de la caulerpényne.

       L’adsorption sur les particules planctoniques pose le problème des conséquences de la bioaccumulation dans la chaîne alimentaire.

Chaîne alimentaire :

chaîne alimentaire

       Prenons comme unité la production de caulerpényne d’une Caulerpa taxifolia : 1 u.a.
          Si l’herbivore mange 10 Caulerpa taxifolia, il aura 10 u.a. de caulerpényne dans le corps.
          Si le carnivore mange 10 herbivores, il aura 100 u.a. de caulerpényne dans le corps.
          Si le carnassier mange 10 carnivores, il aura 1000 u.a. de caulerpényne dans le corps.
          Si l’homme mange 10 carnassiers, il aura 10000 u.a. de caulerpényne dans le corps.

       Du fait des réseaux trophiques, les concentrations en caulerpényne pourraient augmenter de façon très importante le long de la chaîne alimentaire et devenir dangereuses soit pour les super-prédateurs, soit pour l’homme. Elles auraient, en effet, rejoint les quantités utilisées en laboratoire. Cependant, les présentes découvertes ont prouvé qu’il n’y a pas de bioaccumulation de caulerpényne c’est-à-dire qu’elle ne répond pas au principe exposé ci-dessus.
       A ce jour, la Caulerpa taxifolia n’affecte donc pas l’écosystème par la voie directe de ses toxines produites et libérées dans le milieu naturel.

       Enfin, contrairement à des idées reçues, la caulerpényne n’est pas dangereuse pour l’homme. Une expérience en laboratoire de mise en présence de caulerpényne avec des cellules de la peau, des cellules de la moelle osseuse etc… a écarté tout danger : les risques de toxicité cellulaire, d’intoxication cutanée vis-à-vis de l’homme sont nuls.

Un produit d’avenir :

       La caulerpényne possède des propriétés particulières qui constituent un potentiel biologique et chimique pour les années futures.

       Pour repousser d’éventuels herbivores, la caulerpényne a une capacité répulsive et anti-appétante. Etant donné que la consommation de Caulerpa taxifolia n’a jamais été observée in situ, la simple diffusion de la caulerpényne semble suffisante pour en constater les effets. Bien que les concentrations de cette toxine ne soient pas mesurables, la Caulerpa taxifolia n’est pas « broutée ». On peut ainsi supposer que cette propriété pourrait être utilisée dans des produits phytosanitaires[*].
       Il va sans dire que l’exceptionnelle efficacité de la caulerpényne réduirait d’autant les doses nécessaires pour un résultat optimal. Connaissant sa non-toxicité pour l’homme, les pesticides répandus dans les champs auraient moins de conséquences que ceux utilisés de nos jours. De plus, d’une part la caulerpényne n’est pas bioaccumulable[*] et d’autre part, son mode d’action ne repose pas sur la mort du consommateur mais sur une capacité à rendre l’algue immangeable. L’impact environnemental de ce nouveau produit phytosanitaire serait ainsi beaucoup plus faible.

       On a observé que la Caulerpa taxifolia réagit par un fractionnement de la caulerpényne en d’autres molécules dans les minutes qui suivent une blessure. Cette transformation serait une activation de la défense chimique de l’algue. Il a, par ailleurs, été déterminé que la caulerpényne avait une activité antibactérienne, antivirale et antifongique[*]. Face à la résistance des souches et à l’inefficacité croissante des antibiotiques, nous ne pouvons que souhaiter que cette toxine puisse être à l’origine de nouveaux médicaments.
       De plus, des tests in vitro sur huit types de cellules cancéreuses d’origine humaine (peau, colon, etc…) ont montré que la caulerpényne possède un fort potentiel cytotoxique[*]. Les cellules cancéreuses du colon se sont avérées les plus sensibles à l’action de cette molécule. Nous ne pouvons qu’espérer que, d’ici quelques années, un nouveau traitement, moins lourd et plus efficace, remplace les chimiothérapies[*] actuelles.
       Il ne faut pas se laisser abuser par les avantages indubitables de la caulerpényne. Comme toute molécule introduite dans l’organisme humain, elle peut provoquer des effets secondaires dont on doit tenir compte.

       Très récemment, une méthode a été mise au point pour obtenir à partir de caulerpényne une autre molécule, le caulerpénynol, qui présente dans certaines conditions, des toxicités médicales supérieures à la caulerpényne. Assisterait-on aux prémices d’une nouvelle ère médicale ?

Récolter la Caulerpa taxifolia :

       Au vu du potentiel de la caulerpényne, nous pouvons raisonnablement penser que la Caulerpa taxifolia deviendra un produit commercialisable. De la sorte, l’une des sources possibles d’approvisionnement pourrait être « l’arrachage » dans les zones fortement colonisées.

       La facilité avec laquelle la Caulerpa taxifolia se régénère à partir de fragments rend lent et délicat son « arrachage » manuel contrôlé (extraction de la plante entière tout en veillant à ne disséminer aucun fragment). Cette technique peut être améliorée par l’emploi de suceuses hydrauliques sous-marines. Elle permettrait d’opérer sur des surfaces importantes, avec un rendement de 14 à 37 m² par heure, par l’aspiration et le stockage dans un conteneur de la plante et de son substrat.

       L’objectif est de trouver une méthode alliant les avantages des deux protocoles d’éradication tout en minimisant les inconvénients. En 2001, une méthode similaire a été utilisée en Croatie.
       Cette opération nécessiterait la présence d’au moins deux plongeurs. L’un serait muni d’un couteau-scie assez long et d’une griffe de jardinier tandis que l’autre orienterait le tuyau de la suceuse hydraulique sous-marine. La Caulerpa taxifolia serait alors extraite délicatement du sol au moyen de la griffe, tout en laissant le substrat le plus intact possible, et du couteau-scie qui permettrait d’ôter les parties les plus résistantes (stolons, rhizoïdes).
       Le tuyau d’aspiration sera tenu suffisamment proche du sol pour absorber le plus grand nombre de débris et surtout empêcher la mise en suspension de quelques parties d’algue. Mais, afin d’éviter une remontée importante des sédiments qui troubleraient l’eau, il ne doit pas être trop près. La puissance de l’aspiration devrait aussi être réglée pour atteindre ce même objectif. En plus d’être négative pour « l’arrachage » et l’environnement, une aspiration trop puissante augmente le coût de l’opération.
        Après la sortie de l’algue de son substrat, le plongeur extracteur entraînerait délicatement les morceaux vers le haut où son coéquipier les introduirait dans le conduit d’aspiration.

       L’équipe peut être renforcée d’un troisième plongeur muni d’un petit filet (type épuisette) dont le rôle est de s’assurer qu’aucun débris n’échappe à la vigilance des deux plongeurs.

       Cependant, ce protocole nécessite une logistique lourde (pompe, groupe électrogène en surface et conteneurs de récupération). On remarque, en outre, que chaque substrat présente un lot d’atouts et de gênes. Sur un substrat meuble, l’extraction se rapproche de l’éradication. Mais la récolte contient des vases et du sable en plus de la Caulerpa taxifolia. Sur un sol rocheux, la récolte est plus pure. Cependant, de nombreux fragments enfouis dans le substrat sont laissés sur place.
       Cette méthode n’a pas pour objectif de remplacer les techniques habituelles d’éradication mais d’être un complément à ces dernières. Il est indispensable d’avoir des zones préservées de toute Caulerpa taxifolia, mais il est tout aussi urgent de faire reculer les grandes prairies monotones.

       Le problème principal reste néanmoins le coût de ces opérations sous-marines. La main d’œuvre est coûteuse, allant de 300 à 600€ par jour pour un plongeur et sa logistique de base (gonflage des blocs, carburant pour le bateau...). Par ailleurs, la durée d’intervention d’un plongeur sous-marin sur un chantier, ne doit pas dépasser trois heures par jour.
       Lors des activités hyperbares, en raison de la saturation des tissus en gaz dissous (essentiellement en azote) susceptible de provoquer des accidents, la durée d’immersion doit être modulée en fonction des profondeurs d’intervention. A chaque profondeur et pour un temps de plongée donné, correspond un temps de palier de décompression à -3m voire -6m qui diminue le temps de l’intervention et celui de l’éventuelle plongée suivante dans la journée.
       A titre d’exemple, l’intervention sur des fonds inférieurs à neuf mètres de profondeur ne sera pas limitée dans le temps (dans la limite des trois heures journalières légales). Pour le même travail effectué à vingt mètres de profondeur, le plongeur sera obligé au bout d’une heure d’effectuer un palier de décompression de quinze minutes à -3m. Il ne lui sera ensuite possible, après trois heures de repos, d’effectuer qu’une intervention n’excédant pas cinquante minutes, après laquelle il devra respecter trente minutes de palier. Il aura ainsi réalisé 1h50 de travail effectif dans la journée.
       Ainsi, outre les rendements et contraintes logistiques associées aux techniques elles-mêmes, la dimension financière d’un chantier sous-marin est fortement dépendante de ces paramètres : profondeur, organisation du travail, temps d’intervention.

       Néanmoins, la vente de la caulerpényne pourrait probablement financer ces opérations. En outre, du fait de cette demande en caulerpényne, une éradication totale dans les zones colonisées n’est pas obligatoire puisque des retours sur sites seront fréquents. Un simple arrachage des frondes suffirait, ce qui augmenterait d’autant le rendement et donc les revenus.

Commercialiser la caulerpényne :

       La caulerpényne étant inhérente à la Caulerpa taxifolia, récolter cette algue revient à récolter de la caulerpényne.
       Coût de la récolte de caulerpényne : étude approximative pour une équipe de trois plongeurs sur fond de dix mètres avec un recouvrement de 12000 frondes par m².

          Poids sec moyen d’une fronde : 50 mg
          Pourcentage de caulerpényne : 13 % du poids sec
          Rendement de l’arrachage : 37 m² / h
          Nombre d’heures d’intervention : 3 h / j
          Coût moyen de l’opération : 1600 € / j

       Récolte journalière de caulerpényne :

          12000 x 37 x 3 x 0,05 x 0,13 = 8600 g / j

       Prix de revient de la caulerpényne (à l’arrachage) :

          1600 / 8600 = 0,20 € / g

       Le prix de revient croit rapidement avec la profondeur, du fait du faible recouvrement et de la diminution du travail effectif. A titre d’exemple, le coût d’un gramme de caulerpényne à vingt mètres est douze fois plus élevé qu’à dix mètres. Cependant, si la densité de la Caulerpa taxifolia augmente et, en fonction des progrès futurs, peut-être sera-t-il possible de la récolter à faible coût ?

       Le coût d’un médicament résulte d’un prix de revient quasi incompressible et des dépenses pour obtenir une autorisation administrative de mise sur le marché qui pourront être amorties.
       Ce prix de revient comprend d’une part l’obtention de la molécule active, par exemple par extraction à partir d’un végétal, et d’autre part l’ajout d’additifs chimiques qui permettent une meilleure assimilation par l’organisme tout en atténuant les effets secondaires. Il faut aussi y rajouter le conditionnement du médicament (comprimés, gélules, boîtes...) et le brevet de la molécule.
       L’autorisation de mise sur le marché regroupe quant à elle toutes les études et les recherches sur l’efficacité du médicament ainsi que sur la non-toxicité pour l’organisme de la molécule et de ses additifs.

       Il en résulte trois niveaux de prix pour un médicament. Les nouveaux médicaments, à prix élevé, sont en cours d’amortissement de leur autorisation de mise sur le marché. Le prix moyen correspond à un médicament dont l’autorisation de mise sur le marché a été amortie : il ne reste que le prix de revient et le brevet. Enfin, les génériques, à bas prix, sont des substances dont les brevets sont passés dans le domaine public. Bien que la consommation des médicaments génériques soit en augmentation, les médicaments à prix moyen sont les plus largement prescrits.

       Comparaison des prix : étude approximative.

          Prix moyen par gramme de produit actif :
          d’un antibiotique : 8 € / g
          d’une chimiothérapie : 900 € / g

       Prix de revient de la caulerpényne à la récolte : 0,20 € / g

       Utilisé en antibiothérapie :
          0,20 / 8 = 2,5 %

       Utilisé en chimiothérapie :
          0,20 / 900 = 0,02 %

       L’écart entre les deux sommes d’argent est suffisante pour permettre l’extraction de la caulerpényne et pourvoir à tout ce qui est inhérent à l’obtention d’un médicament. Ce médicament serait donc rentable lors de son utilisation pendant la période du prix moyen, généralement la plus longue.

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 Partie de Nicolas VINCENT: Un potentiel ignoré 

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 TPE réalisé par Farah YOUSFI, Nicolas VINCENT et Sylvain PICHOT, 1èreS au lycée agricole de Valabre ! en 2007/2008
 © Auteur du site: Sylvain Pichot 


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